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L'Album du Diable. Les tentations de Félicien Rops
Rops et la Belgique

Félicien Rops nait à Namur le 7 juillet 1833. Il est le fils unique du commerçant Nicolas Rops et de Sophie Maubille. Fils de bourgeois, il profite d'un enseignement privé puis commence des études dans un collège de Jésuites de Namur en 1844. "J’ai appris dans ces doux collèges de Jésuites, abrités de la Banalité utilitaire et ventrue, un tas de choses inutiles qui ont fait le charme de ma vie, et je leur suis reconnaissant de ces spirituels loisirs"1, écrira-t-il en souvenir de ces années d'études.

1849 est une année charnière dans la vie de l'artiste. À 15 ans, il perd son père et est placé sous l’autorité d'un tuteur qu'il exècre. Il adopte une attitude anticonformiste et anticléricale qui le fait quitter le Collège pour suivre des études à l'Athénée de Namur qui dispense un enseignement laïc. Il s'inscrit à l'Académie des Beaux-Arts de Namur : "A quinze ans, je voulais me faire peintre. Mon tuteur qui avait gagné beaucoup d’argent dans les toiles voulait aussi me faire partager sa passion, une espèce d’ivresse causée par l’abus du chiffre ; je refusai bravement sous prétexte que j’avais la tête faible et que je ne pourrais jamais subir autant d’arithmétique. Il eût compris, lui, mon père !" 2

À 18 ans, Rops entre à l'Université libre de Bruxelles et fréquente les milieux estudiantins intellectuels, pamphlétaires et artistiques comme la Société des Joyeux et la Société des Crocodiles. Il se révèle un féroce caricaturiste en participant à des revues où il fait des pastiches d'œuvres exposées dans les Salons officiels, comme Le Diable au Salon. En 1856, il fonde, avec Charles De Coster, L'Uylenspiegel, journal des ébats artistiques et littéraires, où ses lithographies sont particulièrement appréciées (fin de parution en 1863). La politique, les mœurs du temps, la morale, les beaux-arts, la littérature sont passés au crible de son crayon, à l'instar d'Honoré Daumier ou de Paul Gavarni à Paris.

Les premières œuvres de Rops comme La Médaille de Waterloo (1858), La Peine de mort (1859), L'Ordre règne à Varsovie (c.1861) diront sa révolte et sa protestation contre les désastres de son époque. Son talent le mène à l'illustration de son premier ouvrage, Légendes flamandes de Charles De Coster en 1858. En 1863, il réalise en lithographie Un enterrement au pays wallon qui témoigne de sa sensibilité à la douleur de ses semblables, mais aussi de l'influence de Gustave Courbet.

En 1857, Rops épouse Charlotte Polet de Faveaux, fille d'un juriste namurois. De ce mariage naîtront un fils, Paul (1858-1928) et une fille, Juliette (1859-1865), décédée en bas âge. Le couple se partage entre Namur, Bruxelles et le château de Thozée où ils accueillent de nombreux artistes et écrivains, dont Charles Baudelaire. La rencontre entre les deux hommes a lieu grâce à l'éditeur Auguste Poulet-Malassis qui s'est réfugié en Belgique pour fuir la censure napoléonienne et les dettes. Baudelaire est une figure centrale dans la vie et la carrière de Rops qui réalise en 1866 le frontispice des Épaves, le recueil des poèmes condamnés des Fleurs du Mal. L'estime entre les deux hommes est réciproque, comme l'écrira Baudelaire :

"A dire là-bas combien j’aime

Ce tant folâtre Monsieur Rops

Qui n’est pas un grand prix de Rome,

Mais dont le talent est haut comme

La pyramide de Chéops." 3

 

À partir des années 1860, Rops fait de fréquents allers-retours à Paris où se trouvent éditeurs et écrivains pour lesquels il fera un grand nombre d'illustrations. Il y multiplie les contacts, avant de s'y installer définitivement vers 1874. Mais ses relations avec la Belgique n'en sont pas pour autant négligées. Il fonde plusieurs sociétés dans le but de développer la modernité en art telle qu'il l'entend. C'est ainsi qu'en 1868, il participe à la fondation, à Bruxelles, de la Société libre des Beaux-Arts dont il deviendra le vice-président entre 1870 et 1876.

Entre 1869 et 1871, à Bruxelles toujours, il crée la Société internationale des Aquafortistes qui contribue au renouveau de la gravure. Cette société qui édite des portfolios d'eaux-fortes sera interrompue par la guerre franco-prusienne mais reprendra ses activités entre 1874 et 1877.

Féru de sport et grand amateur d'eau, Rops fonde en 1862, à Namur, le Royal Club Nautique de Sambre-et-Meuse où se pratique de l'aviron. Le club participera à de nombreuses régates et remportera à Paris le prix de l'Empereur en 1864. En 1868, il crée la colonie d'Anseremme, du nom d'un petit village près de Dinant, au bord de la Meuse. Il y retrouve des amis artistes, peintres et écrivains avec lesquels il partage la passion de la peinture en plein-air et des fêtes champêtres. 

Oscillant entre désir de reconnaissance et rejet, Rops cultivera des sentiments ambivalents pour son pays natal. "Je suis en Belgique & j’y assiste au spectacle, toujours réjouissant pour mes sentiments, de l’effarement d’une bourgeoisie repue, grasse, riche, satisfaite [...]" 4, écrira-t-il quelques années avant sa mort. Cependant, séparé de son épouse légitime en 1874 pour rejoindre ses deux maîtresses parisiennes, Rops restera sa vie durant un père attentif et aimant. Il multipliera les séjours en Belgique - que ce soit à Thozée, à Bruxelles ou à la mer du Nord pour y peindre sur la plage - pour y voir son fils Paul, mais aussi ses amis écrivains, peintres et critiques belges.

"On est Belge ou on ne l’est pas !" 5, déclarera-t-il.

 

1. Lettre de Rops à Eugène Demolder, 1895. www.ropslettres.be, n° d'édition 1176

2. Lettre de Rops à Octave Pirmez, 1858, cité in Thierry Zéno, Les Muses sataniques, Félicien Rops, Œuvre graphique et lettres choisies, Bruxelles, Jacques Antoine, 1985, p. 15

3. Baudelaire Charles, Œuvres complètes II, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1976, p. 978

4. Lettre de Rops à Henri Liesse, [1892]. Collection privée

5. Lettre de Rops à Edmond Bailly, [1892]. www.ropslettres.be, n° d'édition 90

 

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