L’exposition Poste restante à Namur. Félicien Rops, "indécrottable" Namurois, organisée en collaboration avec l’asbl «Archives photographiques en Namurois», retrace la présence de l’artiste dans les ruelles namuroises du 19ème siècle.
Né le 7 juillet 1833, place Marché au Beurre à Namur (actuelle Place Chanoine Descamps), Félicien Rops fréquente le Collège des Jésuites, l’Athénée royal, l’Académie des Beaux-Arts et participe à différentes animations namuroises. Il garde de son enfance à Namur des souvenirs contrastés et laisse dans sa correspondance les traces de ses relations ambiguës avec sa ville natale : Je vais à Namur pour revoir les vieux coins de maisons où étant gamin on se flanquait de si belles tripotées avec le petit voisin, & où pour la première fois on a donné « une grosse baise » à la petite voisine ou encore : A Namur, il n’y a place que pour la pensée bourgeoise, honnête et conformiste. L’enthousiasme y est condamné comme toutes les ivresses.
Cette exposition permet de se rendre compte de l’importance de la famille Rops dans le paysage namurois de l’époque. Le père de Félicien, Nicolas Joseph Rops, marchand de tissus imprimés, mais également rentier, achète en 1828 un grand terrain dans l’actuelle rue Pépin où il construit une maison bourgeoise dans laquelle Rops vivra et aura son premier atelier. Musicien, joueur de terpodion, Nicolas Joseph fait profiter son jeune fils des répétitions avec ses amis.
La famille de Rops est également présente dans des associations locales comme la Société royale d’horticulture de la Province de Namur. Celle-ci organise concours et expositions. Félicien Rops réalise en 1859 une lithographie qui illustre le catalogue d’une exposition horticole à Namur. Il participe lui aussi à ces concours, en témoigne ce filet dans la gazette locale en 1859 : les nombreux amis de Félicien Rops apprendront avec bonheur que le spirituel dessinateur joint au sentiment artistique le goût de la culture maraîchère, et qu’il vient d’obtenir à l’exposition agricole de sa ville natale, une médaille de bronze, pour un magnifique chou frisé.
Il fréquente dès 1844 le Collège Notre-Dame de la Paix, à Namur. Plusieurs documents retrouvés dans les collections des Archives de la Compagnie de Jésus, attestent que Félicien Rops, enfant, faisait partie de cette bonne bourgeoisie pieuse et respectable qu’il critiquera par la suite : depuis son bulletin de 3ème année dans lequel on lui reproche une « tenue trop soignée » jusqu’à son diplôme de « Confirmé » de la Congrégation mariale de Notre-Dame des Anges. Plus tard, il s’oppose à l’éducation jésuite et s’inscrit à l’Athénée royale de Namur. Néanmoins, il écrit : C’est que j’ai appris dans ces doux collèges de Jésuites, abrités de la Banalité utilitaire et ventrue, un tas de choses inutiles qui ont fait le charme de ma vie, et je leur suis reconnaissant de ces spirituels loisirs. Il poursuit sa scolarité à l’Athénée royal à partir de 1849.
Félicien Rops s’inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Namur en 1849 et suit l’enseignement de Ferdinand Marinus. La jeune académie, fondée le 23 novembre 1835, est installée dans un ancien couvent de religieuses, « Les Annonciades », rue des Fossés (actuelle rue Emile Cuvelier), au coin d’une impasse nommée la ruelle des Annonciades. Les artistes peintres ayant fréquenté l’Académie de Namur, Armand Dandoy, Auguste Dandoy, Théodore T’scharner, Joseph Quinaux, François Roffiaen, Wilbrant sont évoqués à travers cette exposition.
Quelle était l’ambiance de la ville à cette époque ? L’asbl « Archives photographiques en Namurois » a sélectionné pour le Musée Rops une série de photographies anciennes. Ruelles, places, anciens métiers, loisirs, gens de la bonne société ou ouvriers ont leur place aux cimaises. Les écrits de Rops ne sont pas oubliés pour accompagner ces photographies car trognes namuroises, bourgeoises ou bohèmes, sont décrites au fil de la correspondance de l’artiste, cyniquement ou amicalement croquées. Je t´envoie l´aspect des deux cousines de Namur que je dois produire au bal de l´Opéra. Cela sera un vrai succès hein ? Je viens te demander deux entrées de Cavalier & deux entrées de dames pour aider à l´exhibition de ces pachydermes.
Les relations de Rops avec Namur resteront toujours ambiguës. D’un côté, il cherche la reconnaissance : Si je suis mort, demande que l’on grave mon nom sur un bout de rocher aux fonds d’Arquet. Je laisserai quelques sous pour payer le rocher et le terrain, afin que mon nom ne reste pas tout à fait inconnu à ceux qui viendront, & qui naîtront à Namur au siècle prochain et en même temps, il se targue de choquer les Namurois : Ah ! Namur ! Les pavés se levaient d’eux-mêmes pour me lapider et la police locale est doublée lorsque je me promène en la rue des Fossés-Fleuris ! . Ici je fais naître sous mes pas légers le fiel & l’amertume. Quand je passe dans la rue de l’Ange, le notaire se sent plus gros, l’avoué plus crasseux, le gros major oublie le rapport, l’épicier me suit d’un regard haineux et les grandes demoiselles qui remontent la « grande Plasse » à la queue leu leu se raidissent dans leurs immuables corsets comme si je voulais les délacer devant papa.
Nous remercions pour leur aimable collaboration, les Archives de l’Etat (Namur), la Bibliothèque Moretus Plantin (Namur), le Centre de Documentations et de Recherches Religieuses (Namur), les Archives de la Compagnie de Jésus, l’Académie des Beaux-Arts (Namur), le Musée de Groesbeeck de Croix (Namur), le Musée des Arts Anciens du Namurois, la Société Archéologique de Namur, l’Hôtel de Ville de Dinant, la Fondation Félicien Rops (Mettet), le Musée des Instruments de musique (Bruxelles), la Bibliothèque royale de Belgique (Bruxelles), la Galerie Maurice Tzwern (Bruxelles), le Musée d’Art et d’Industrie A.Diligent (Roubaix), Monsieur Benoît de Bonvoisin, ainsi tous les prêteurs qui ont souhaité conservé l’anonymat.