« Les femmes ne peuvent peindre que des choses qui n’exigent ni pensée profonde, ni grand sentiment, ni large virtuosité. Des fleurs, des natures mortes, des objets élégants, des scènes de genre paisibles, des paysages doux, des portraits d’enfants, des animaux gentils », peut-on lire en 1884 dans un article consacré aux « Peintresses belges » de la revue d’avant-garde L’Art moderne. Malgré ces préjugés largement sexistes, les femmes artistes en Belgique au 19e siècle sont pourtant nombreuses et audacieuses. Certaines bénéficient d’une réelle reconnaissance via des expositions et des commandes, mais très peu d’entre elles sont passées à la postérité.
L’exposition présentée au musée Rops tente de rendre à ces « peintresses » l’hommage qu’elles méritent.
Considérées avant tout comme des épouses, des mères et des maîtresses de maison, les femmes n’ont accès à une formation artistique reconnue qu’à partir des années 1880, notamment grâce à l’ouverture de l’académie privée du peintre E.-S. Blanc-Garin à Bruxelles (1883). Les académies officielles, en Belgique, restent fermées aux femmes jusqu’en 1889.
Beaucoup ont du mal à s’affirmer en tant qu’artistes. Être « fille de… » ou « femme de… » permet à certaines de sortir de l’ombre. C’est le cas de la fille de Rops, Claire Duluc (épouse E. Demolder) qui illustre les ouvrages de son mari sous un pseudonyme masculin ; de Gabrielle Canivet (épouse C. Montald) qui fait de la reliure d’art ; de Juliette Massin (épouse W. Degouve de Nuncques) qui peint des paysages lumineux ; sans oublier Georgette Meunier, Louise Lemonnier et Anna Boch (cousine d’O. Maus), une membre féminine du cercle des XX, dont E. Verhaeren écrira qu’à « côté de sérieuses qualités, il manque à l’artiste… de n’être pas homme ».
« Pour moi, qui n’ai ni frère, ni cousin, ni oncle, ni père qui soit peintre, il faut bien que je m’arme de courage », écrira Louise Héger depuis Paris où, en 1884, elle suit une formation de peintre. Les femmes privées de ces liens familiaux ou maritaux artistiques renoncent bien souvent à se marier, déterminées à se consacrer à leur carrière. C’est le cas de Marie Collart, Cécile Douard ou Jenny Montigny qui sont actuellement considérées comme des « électrons libres ».
Les artistes féminines du 19e siècle s’illustrent dans différentes disciplines (peinture, gravure, sculpture, arts décoratifs) mais aussi dans des styles aussi variés que le réalisme, l’impressionnisme ou l’art nouveau. L’exposition au musée Félicien Rops se veut le reflet de cette variété de média d’expression et de styles. Elle présente les œuvres de plus de 40 femmes artistes issues de musées ou de collections privées. Un catalogue composé de nombreuses contributions scientifiques complète le propos de l’exposition.