« Honneur à ceux qui voudront s’enrôler dans le bataillon sacré de l’art ! Nous faisons appel à tous, - aux inconnus et aux modestes, surtout ! », écrivait Henri Liesse en 1871, dans la revue L’Art libre, organe officiel de la Société libre des Beaux-arts fondée en 1868. Cependant, des membres d’honneur dont les prestigieux Courbet, Corot et Whistler intègrent le groupe… Le programme de ces artistes rassemblés lors de quelques expositions entre 1868 et 1876 est l’absence de contrainte et le souci de la modernité : ils se rebellent contre le « joli », le romantisme et la toute puissance des jurys officiels, au profit de la défense du réalisme et de l’anti-académisme.
L’influence de Courbet sur cette génération d’artistes belges est évidente. Le parcours de l’exposition commence par l’évocation de cette figure tutélaire : le dessin préparatoire à l’Enterrement à Ornans (1849-50) du peintre français voisine avec L’Enterrement au pays wallon (1864) de Rops qui est exposé par la Société en 1868. La « confrontation » de ces deux chefs d’œuvre du réalisme, présentée pour la première fois au musée Rops, invite à une réflexion autour de la notion de modernité et de son évolution dans le temps.
C’est ensuite à une promenade que le visiteur est convié pour cette exposition d’été… Chevalets posés sur l’herbe aux abords d’un fleuve ou d’un sous-bois, palettes aux couleurs nuancées pour saisir le feuillage ou l’eau, tels sont les pratiques des paysagistes de plein air qui quittent leurs ateliers encombrés de modèles académiques pour s’approprier la nature qui les entoure… « L’esprit se trouve en nature et c’est celui-là qu’il faut peindre, l’esprit que vous découvrez comme on découvre une orchidée dans un fouillis d’herbe, sur lequel les bourgeois du dimanche ont dîné, sans rien voir », écrivait Rops résolument anticonformiste et vice-président de la Société jusqu’en 1876.
Le fait que cette Société soit aujourd’hui tombée dans l’oubli, alors qu’elle constitue un aspect majeur dans l’autonomisation du champ artistique en Belgique, s’explique sans doute par le fait que les documents officiels manquent et que l’homogénéité de ses membres reste à découvrir… Agneessens, Artan, Asselbergs, Baron, Coosemans, Crépin, Dubois, Fontaine, van der Hecht, Huberti, Lambrichs, Lauters, Meunier, Rops, Smits, Speekaert, Tscharner, Verheyden, Verwée partagent cependant un un même esprit, celui de l’opposition à la contrainte esthétique, sans oublier certains peintres étrangers, comme Corot, Courbet, Daubigny, Dupré ou Whistler.
Un catalogue reprend les œuvres exposées, ainsi que des textes rédigés par des spécialistes du 19e siècle : Ségolène Le Men, professeur à l’Université Paris X Nanterre et auteur d’ouvrages de référence sur Courbet, Denis Laoureux, professeur à l’Université libre de Bruxelles, Bruno Fornari, conservateur au musée de Gand et de jeunes chercheurs travaillant sur l’histoire de l’art belge.