William Degouve de Nuncques (1867-1935) est l’un des artistes majeurs du symbolisme belge. Toute sa vie, il traitera le paysage, jouant avec les nuances de couleurs, depuis les impressions urbaines nocturnes aux ambiances claires de plateaux enneigés. En 1936, le critique d’art Arnold Goffin écrivait à propos de l’artiste : « Le nom et l’œuvre de ce maître sont chers depuis longtemps aux délicats. Mais il sont fort loin d’avoir acquis, en Belgique, tout au moins, la renommée qui leur est légitimement due ». La présente exposition, réalisée en collaboration avec le Kröller-Müller Museum (Pays-Bas), regroupe un ensemble d’œuvres de Degouve de Nuncques organisé autour de la palette de couleurs de l’artiste.
Après une brève instruction académique, le jeune Degouve de Nuncques décide de se consacrer à l’art et partage un atelier avec Henri de Groux, forte personnalité dont l’instabilité scelle à jamais leur amitié. Assez nanti que pour voyager et vivre de son art, Degouve fréquente les cercles d’avant-garde belges, multiplie les expositions à l’étranger et sillonne l’Europe en compagnie de sa jeune épouse, Juliette Massin, belle-sœur d’Emile Verhaeren : Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Allemagne. Le couple exposera d’ailleurs à plusieurs reprises ensemble. A cette période, son œuvre est caractérisée par la représentation d’une nature, nocturne et silencieuse, où l’éclairage lunaire donne naissance à un sentiment d’inquiétante étrangeté.
Durant les années 1890, Bruges et Venise bénéficient d’une forte attractivité au sein du milieu symboliste. Degouve interprète lui aussi ces villes aquatiques, lieux de toutes les projections : arrêt du temps, souvenir d’un âge d’or, atmosphère brumeuse enveloppée d’un voile mystérieux.
À l’extrême fin du 19e siècle, Degouve de Nuncques redéfinit son rapport à la peinture en délaissant les effets nocturnes pour gagner une clarté qui le conduira progressivement à la blancheur de la neige. Cette transition des sombres quais de Bruges-la-Morte à la lumière passe par un séjour que l’artiste effectue en Espagne entre 1899 et 1902, lui ouvrant la voie d’une sensibilité désormais gagnée aux effets de lumière. Se retirant loin des villes, Degouve peint des toiles aux Îles Baléares, dans la campagne brabançonne et, enfin, dans les Ardennes belges, s’inscrivant dans le contexte plus général du retrait de nombreux artistes dans une nature non déflorée par l’industrialisation.
Degouve de Nuncques, maître du mystère regroupe une soixantaine de peintures, dessins, carnets, documents issus du Kröller-Müller Museum, de nombreux musées européens et de collections privées. Les recherches menées dans le cadre de cette exposition ont permis de réactualiser la biographie de l’artiste. Ces informations sont reprises dans le catalogue (version française et néerlandaise) : Degouve de Nuncques, maître du mystère, sous la direction scientifique de Denis Laoureux, Fonds Mercator, 140p, 140 illustrations. Prix : 29,90 euros.