La Province de Namur s’associe aux commémorations de la Première Guerre mondiale en proposant au Musée Félicien Rops et à la Maison de la Culture, la vision de deux artistes allemands sur le conflit mondial et l’entre-deux-guerres, en y associant le regard de l’un de nos meilleurs photographes actuels.
Le Musée Félicien Rops accueille l’œuvre de George Grosz (1893-1959), artiste visionnaire considéré comme l’un des maîtres de l’expressionnisme allemand. Après une formation artistique à Dresde (1909), puis à Berlin (1912), il est enrôlé dans l’armée allemande en 1914, avant d’être réformé définitivement en 1917, suite à une dépression. Malgré les atrocités de la Grande Guerre, Grosz travaille durement et publie ses premiers portfolios. Dans l’entre-deux-guerres, il reste lucide et vigilant face à l’évolution politique et sociale de l’Allemagne (Gott mit uns, publié en 1920 et Hintergrund en 1928 qui lui valurent des poursuites judiciaires). Dès 1920, il est impliqué dans le mouvement Dada et la Nouvelle Objectivité. Grosz fuit le régime nazi et quitte son pays en 1933, pour s’installer à New York où, à travers son œuvre, il continue sa lutte contre le nazisme et les injustices sociales. Exposé en 1937 à Munich lors de l’exposition «d’art dégénéré», certaines de ses œuvres sont détruites. Devenu citoyen américain en 1937, il ne revient en Allemagne qu’en 1959, où il meurt quelques mois plus tard. À travers une centaine d’œuvres rassemblées au Musée Rops (aquarelles, dessins originaux, portfolios et ouvrages), Grosz livre sa vision critique du monde, sans oublier l’hommage qu’il rendit à Rops dont il appréciait les caricatures. Cette exposition fait découvrir un artiste en perpétuelle recherche, un visionnaire dont la plus grande conviction fut de dire Un petit oui et un grand non, titre qu’il choisit pour son autobiographie parue en 1946.
« De la même façon que l’étoffe de l’homme change de façon démoniaque. Il faut avoir observé des êtres humains à l’état sauvage pour parvenir à les comprendre. […] La guerre est quelque chose de bestial : la faim, les poux, la boue, ces vacarmes d’enfer. Tout est complètement différent. » Otto Dix
La Maison de la Culture présente les cinquante eaux-fortes du portfolio Der Krieg (La Guerre) d’Otto Dix (1891-1969), publié en 1924 par le galeriste Karl Nierendorf. Elles constituent un exemple rare de témoignage artistique de la guerre. Engagé volontairement dans l’armée allemande à l’âge de 23 ans, Otto Dix passe plus de trois ans dans les tranchées et vit les traumatismes du conflit aux premières loges. Après avoir étudié les maîtres des arts graphiques à Bâle - il avait demandé à voir des originaux d’Urs Graf, de Jacques Callot et de Francisco de Goya – Otto Dix traduit sa propre expérience dans une série d’une grande richesse esthétique. Il y aborde les différents aspects de la vie des soldats au front. Otto Dix n’épargne rien de l’horreur de 14-18 dans ce formidable portfolio, tiré à soixante-dix exemplaires, dont il a ordonné lui-même la séquence des gravures. Aujourd’hui, Der Krieg est considéré, avec Module de 1h30 Les Désastres de Francisco de Goya, comme le témoignage le plus convaincant sur et contre la guerre.
À travers une série de photographies inédites, Dirk Braeckman (1958), l’un de nos photographes belges les plus talentueux, donne une résonnance actuelle à la Grande Guerre. A l’occasion des commémorations de la guerre 14-18 et en regard des œuvres d’Otto Dix, il a choisi de montrer, pour la première fois, un travail exceptionnel réalisé en 1986, et resté dans ses tiroirs depuis lors. Il s’agit de tirages d’anciens négatifs réalisés par un photographe amateur, probablement un soldat, dans les tranchées. Avec cet hommage aux photographes anonymes, Dirk Braeckman conjugue à la fois la force du témoignage et son regard d’artiste contemporain. On retrouve l’approche picturale singulière de celui qui a toujours déclaré travailler comme un peintre en utilisant les outils du photographe. Cette exposition offre un fascinant contrepoint aux gravures d’Otto Dix.