Adolphe Willette (1857-1926)
J'étais bien plus heureux quand j'étais malheureux !
Le musée Félicien Rops, Province de Namur (Belgique) organise avec le musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq de L’Isle-Adam (Val-d’Oise) la première exposition rétrospective de l’oeuvre d’Adolphe Willette (1857-1926). Personnage singulier et emblématique de la bohème de Montmartre à la fin du 19e siècle, il contribua à en immortaliser le mythe, y associant pour toujours son double artistique, Pierrot. Dessinateur de presse prolixe et renommé, Willette fut aussi décorateur, peintre et affichiste. Il a mené une carrière artistique teintée d’irrévérence et de prises de position politique virulentes. L’approche scientifique des commissaires de l’exposition et des auteurs de l’important catalogue qui l’accompagne, permet de décrire, avec objectivité, la complexité de Willette dont les engagements sont mis en perspective avec la vie politique et les transformations de la société de l’époque. L’intérêt commun des deux institutions muséales pour l’histoire du dessin de presse et pour le talent des artsites graveurs et lithographes de la seconde partie du 19e, amène à redécouvrir la carrière de Willette.
Willette, un dessinateur de presse prolifique et engagé
Évoquer l’abondance de dessins produits par Willette pour notamment Le Courrier français, dont il fut le collaborateur pendant 24 ans, Le Rire, Le Chat Noir, L’Assiette au beurre ou son journal, Le Pierrot, c’est retracer l’aventure de la presse illustrée sous la IIIe République et jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. « Les positions politiques de Willette sont multiples, changeantes et souvent contradictoires […] Willette aime les révolutions […] défend l’ordre, voue un culte à l’armée sans toutefois s’interdire des sentiments antimilitaristes » souligne Bertrand Tillier, professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Bourgogne.
Willette, un peintre au coeur de la bohème montmartroise
Élève du peintre Cabanel (1823-1889) à l’école des Beaux-arts, Willette n’a cessé d’espérer la reconnaissance de son talent de peintre. Il expose régulièrement au Salon, et reçoit de nombreuses commandes de travaux décoratifs. Il réalise le décor des premiers cabarets de Montmartre : Le Chat Noir, Le Bal Tabarin, L’Auberge du Clou, et illustre de nombreux recueils musicaux de chansons populaires. Son style léger s’inspire des fêtes galantes de Watteau (1684 –1721) mais s’agrémente de lestes sous-entendus ! Ces décors, souvent disparus, sont évoqués par des photographies ou des éléments récemment retrouvés qui confirment Willette dans son rôle d’animateur charismatique de la communauté Montmartroise, initiateur de fêtes grandioses et délirantes comme les célèbres Vachalcades (1896 et 1897).
Willette, commandes officielles et commerciales
En 1908, Adolphe Willette reçoit la commande de cartons de tapisseries pour la Manufacture des Gobelins, et en 1909, à l’instar de Jules Chéret (1836-1932), réalise le décor d’un salon de l’Hôtel de Ville de Paris. Willette produira énormément de travaux commerciaux témoignant de l’engouement naissant pour la réclame publicitaire : Chocolat Pihan, éventails pour le restaurant Maxim’s, menus, programmes de théâtres, affiches pour la Compagnie des Chemins de Fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée.
S’adressant à un public passionné par l’histoire de l’art, l’histoire de la presse, les arts graphiques, la décoration, la publicité, la politique et l’histoire, l’exposition réunit, pour la première fois, plus de 100 oeuvres et documents dont certains inédits, issus de collections privées et publiques françaises et étrangères : musée de Montmartre, musée Carnavalet, maison de Victor Hugo, musée des Arts Décoratifs, musée du Petit Palais de Genève.
Le catalogue de l’exposition, réunissant les textes d’une dizaine de spécialistes, universitaires et conservateurs, offre aux lecteurs un panorama exhaustif de la production de Willette et de son inscription dans son époque. Ouvrage publié aux éditions Liénart, 232 pages, 200 illustrations. Prix de vente 32 €.